En 2022, je réfléchis avec appréciation aux progrès de notre société, sachant que le progrès prend de nombreuses formes. S’il est vrai que certains aspects du passé auraient pu être meilleurs, nous devons également reconnaître qu’il est préférable de laisser certaines choses de côté dans l’histoire.
Au XIXe siècle, les “expositions de curiosités” étaient courantes dans la culture américaine, où des bizarreries étaient exposées pour le divertissement public. Ces spectacles itinérants mettaient souvent en vedette des personnes ayant une apparence ou des conditions physiques inhabituelles, notamment des femmes barbus et des jumeaux siamois. L’une de ces personnes était Mary Ann Bevan, qui a obtenu le titre de “la femme la plus laide du monde” et est devenue partie intégrante de ces spectacles d’exploitation. L’histoire de sa vie nous rappelle brutalement l’importance de tirer les leçons des chapitres les plus sombres de l’histoire.
Tout au long de l’histoire, les humains ont souvent été intrigués par ceux qui sont différents, que ce soit en raison de leur appartenance ethnique ou de leur apparence physique. Cependant, profiter de cette curiosité, notamment en exploitant les différences des gens, est une pratique qui a toujours été éthiquement erronée. Au XIXe et au début du XXe siècle, les personnes présentant des malformations physiques étaient fréquemment présentées dans des “expositions de curiosités”, une tendance inquiétante qui a persisté jusqu’au milieu des années 1900 sans grand tollé général.
L’histoire de Mary Ann Bevan se déroule dans ce contexte troublant. Née Mary Ann Webster le 20 décembre 1874 à Plaistow, dans l’est de Londres, elle a grandi dans une famille ouvrière avec huit enfants. Contrairement à beaucoup de ses frères, Mary Ann a poursuivi des études et est devenue infirmière en 1894.
Sa vie prit une tournure positive lorsqu’elle épousa Thomas Bevan en 1902 et qu’ils eurent ensemble quatre enfants. Cependant, la tragédie a frappé lorsque Thomas est décédé d’un accident vasculaire cérébral en 1916, laissant Mary Ann élever seule ses enfants. À peu près au même moment, Mary Ann a commencé à ressentir les symptômes d’une maladie rare appelée acromégalie, qui a provoqué un changement radical de son apparence physique.
L’acromégalie est une maladie résultant d’une surproduction d’hormones de croissance, entraînant une hypertrophie des os et des tissus. Mary Ann a commencé à montrer des signes de la maladie vers l’âge de 32 ans. En raison de ses connaissances médicales limitées à l’époque, elle avait du mal à trouver un traitement efficace. Contrairement à la plupart des cas d’acromégalie, qui se développent généralement après la puberté, les symptômes de Mary Ann affectaient son visage, modifiant ses traits de manière à la rendre méconnaissable pour ceux qui la connaissaient.
Au départ, Mary Ann a trouvé du réconfort dans sa famille et a reçu le soutien de son mari. Mais après sa mort, son état s’est aggravé, rendant difficile son travail. Pour subvenir aux besoins de ses enfants, elle a répondu à une annonce recherchant la “femme la plus laide” pour un spectacle de cirque.
Claude Bartram, un agent de Barnum et Bailey, a vu sa photo et lui a proposé un contrat comprenant un salaire, des frais de déplacement et le produit de la vente de cartes postales. En 1920, Mary Ann voyage en Amérique, où elle devient connue comme “la femme la plus laide du monde” et se produit au cirque de Coney Island, acquérant ainsi une renommée considérable.
Malgré les questions éthiques entourant l’exploitation des personnes ayant des différences physiques, Mary Ann est devenue une attraction populaire et a gagné un revenu substantiel. L’argent qu’elle a gagné lui a permis d’envoyer ses enfants à l’école en Angleterre, remplissant ainsi son rôle de mère dévouée. La force et le sacrifice de Mary Ann ont démontré le véritable sens de la beauté et de l’amour.
Après une dernière exposition en France en 1925, Mary Ann s’installe à New York et continue de se produire au Dreamland Show de Coney Island. Elle est décédée en 1933 à l’âge de 59 ans de causes naturelles et a été enterrée dans le sud de Londres, réalisant ainsi son souhait d’être enterrée dans son pays natal.
La vie de Mary Ann Bevan est un puissant témoignage de son dévouement inébranlable envers ses enfants et de sa résilience face à des difficultés inimaginables. À une époque sans commodités modernes, elle a travaillé sans relâche pour subvenir aux besoins de sa famille, incarnant l’altruisme d’une mère. Son histoire reste un hommage à une femme qui, malgré les étiquettes que la société lui a imposées, a fait preuve d’un courage et d’un amour immenses. Qu’elle repose en paix, honorée pour son sacrifice et son dévouement.